Finisher de l’UT4M Xtrem

Après une nuit hachée, je suis enfin prêt pour le jour J. Le jour que j’attends depuis des semaines et même des mois. Me mesurer à l’Ut4M avec ses 175 km et 11 000 de D+.

Ma principale inquiétude est liée à ma tendinite au talon d’Achille qui s’est à nouveau réveillée depuis une dizaine de jours.
J’espère que la douleur sera supportable et me laissera tranquille.

Pour le reste, je me sens serein et plutôt sûr de ma force. Mais humble face à l’immense défi qui m’attend. Un départ trop rapide, une mauvaise chute…et ce sont des mois de préparation de gâchés.

Le départ sera donné à 9h en ce vendredi 21 juillet.

Premier massif : le Vercors

Ma femme et les enfants viennent me faire un coucou au départ. La pression monte crescendo 🔥 C’est parti !

Je connais parfaitement la première partie de la course. Je me force à courir lentement et à marcher dès les premières montées. Au bout de quelques minutes, je sens le talon qui tire et il monopolise mon attention. Cela me crispe un peu mais je me dis que ça va finir par se calmer.

Nous arrivons rapidement au premier ravitaillement à Saint Nizier du Moucherotte où j’aperçois femme et enfants. Les supporters sont là, la course est vraiment lancée !

Nous nous lançons à l’assaut du Moucherotte puis du pic Saint Michel. Je suis un peu dans mon jardin mais j’apprécie toujours autant le décor.

Les jambes sont là mais j’ai une terrible migraine. Et le talon m’embête toujours. Je chasse les idées noires et je reste concentré pour bien m’hydrater, m’alimenter et surtout bien négocier la première grosse descente jusqu’à Saint Paul de Varces.

Il commence à faire chaud. Je sens que le ventre se crispe un peu. Bon, la bonne nouvelle c’est que le talon d’Achille s’est calmé.

Nous ne sommes plus très loin de Vif. Mais il reste à grimper la montagne d’Uriol pour terminer cette première étape. Je connais mon premier coup de moins bien dans cette montée.

J’ai chaud, je me sens lourd, les jambes répondent mal. Je me résous à ralentir et je fais la descente lentement. Pas de panique je suis un peu en avance sur mes prévisions.

Le kilomètre de plat en arrivant à Vif me fait mal et je fais sûrement l’erreur de le courir trop vite en plein cagnard. Je m’étais juré de tout faire pour être 100% frais à Vif. Mais les choses ne se passent pas comme prévu.

J’ai déjà du mal à m’alimenter et j’ai pris un coup de chaud. Je profite du soutien des proches (mes parents, ma femme et les enfants sont là) pour prendre mon temps : la priorité est de bien me ravitailler et de me refroidir.


La pause est plus longue que prévue, j’ai quand même pris un petit coup sur la tête.

Je sais que je vais souffrir un peu pendant quelques heures le temps de « digérer » ce petit coup de chaud. Et que je vais avoir des difficultés à m’alimenter comme à l’Echappée Belle.

J’espérais que mon estomac résiste plus longtemps mais force est de constater que je n’ai toujours pas trouvé la clé. Tant pis, je suis prêt à affronter la suite et à m’adapter.

Il est 16h, j’ai parcouru 40 km et 2800 d+. Me voilà prêt à partir à l’assaut du Taillefer.

Deuxième massif : le Taillefer

La phase de transition qui nous mène au pied de la montée au col de la Chal me paraît un peu longue.
Je profite de toutes les fontaines sur mon chemin pour me mouiller et me refroidir car il fait chaud.

La pente se raidit de plus en plus. A 1 km du sommet je commence à avoir des somnolences et à me sentir vide. 😴

Alerte à l’hypoglycémie 🚨! Je suis forcé de prendre une gorgée de compote… et mon ventre n’apprécie pas (burp !).

Une fois au col, je suis obligé de m’assoir 2 minutes pour tenter un autre type de compote.

Le doute s’installe à nouveau dans mon esprit. Suis-je condamné à faire ce yo-yo jusqu’à la fin de la course ?

Nous n’en sommes qu’à 50 km et 3700 d+ (il me reste donc la bagatelle de 125 km et 7800d+ pour rallier l’arrivée)

J’attaque doucement la descente. Plus je me rapproche de Laffrey plus les sensations reviennent. Le coup de mou est passé ! 💪

Je retrouve mes supporters et ça fait du bien !

Femme et enfants ne me retrouveront désormais que le lendemain en début d’après-midi à Montbonnot.
Je prends le temps de les embrasser et je donne rendez-vous à mes parents à La Morte.

La portion entre Laffrey et La Morte se déroule bien, ce qui confirme mon regain de forme.

Mais en ultra, il ne faut jamais crier victoire trop vite ! Je ne me sens pas totalement dans mon assiette au moment d’arriver au ravitaillement.

Et je sais que la prochaine étape est déterminante pour la suite. La nuit tombe, nous allons attaquer la grosse montée au pas de la Vache. C’est un moment clé dans la course.

J’allonge donc la pause et je…m’allonge quelques minutes pour me détendre car je suis un peu nerveux. 🧘
Ce maudit estomac ne me lâche pas.

Il est un peu plus de 21h. La nuit commence à tomber, je commence à claquer des dents avec la fraîcheur !

Je sors la frontale 🔦 et me remets tout doucement en route. La montée au pas de la Vache fut un de mes rares coups de mou lors de l’UT4M Challenge en 2018 alors je la démarre prudemment.

Je commence à voir des frontales en haut de la montagne, le pas me paraît si loin ! Mais je décide d’avancer tranquillement.

Je me concentre sur mes sensations et sur cette belle ambiance nocturne. Je me sens dans mon élément et prêt à affronter la nuit ! La montée se passe parfaitement bien.

La descente de l’arête de Bouffier est technique et cela me maintient en éveil. On est vraiment en montagne, la vraie !

Je double quelques coureurs ce qui confirme ma bonne forme mais je ne prends pas de risque démesuré.

J’arrive au ravitaillement du lac du Poursollet plutôt en forme. Je ne vois pas mes parents et le problème c’est qu’il n’y a pas de réseau. 📵😕
En attendant, je prends de la soupe.

Puis je me décide à repartir au cœur de la nuit, je les verrai à Rioupéroux. Je leur laisse un message dès que je retrouve du réseau.

La première partie de cette portion de 7 km et 500 d+ ne laisse pas présager que je vais faire face à mon plus gros coup de mou.

Le début de la montée se passe bien. Puis peu à peu la nausée arrive. 🤢 J’ai du mal à avancer, si je vais trop vite je vais vomir.

J’arrive au chalet de la barrière avec toujours avec ces nausées. Je prends le temps de m’assoir, de profiter du feu. Je tente un coup de poker : un verre de coca.

Je m’efforce de manger quelques TUC. Je me concentre quelques minutes sur ma respiration pour me détendre.

Et le miracle a lieu : je me sens prêt et motivé à terminer ce deuxième massif avec la rude descente sur Rioupéroux (1300 d- en moins de 5 km).

J’avale la descente en environ 1h pour arriver à la seconde base de vie de Rioupéroux. Je retrouve mes parents à 3h12 du matin très exactement. 🕒

Je pensais avoir besoin de dormir mais je me sens beaucoup trop éveillé. C’est le moment de bien manger (des pâtes !) de se changer et de soigner les premiers bobos aux pieds.

Je ne retrouverai mes parents qu’environ 10h plus tard après avoir traversé Belledonne.

Une nouvelle course commence. Je fais le plein de patates dans mon sac car elles passent super bien, ouf ! 🥔

Belledonne, me voici !

Troisième massif : Belledonne

Après une bonne pause à Rioupéroux, je suis prêt à me lancer à l’assaut du kilomètre vertical (1000d+ sur environ 3 km) pour débuter le massif de Belledonne.

Il est 4h du matin. Je croise quelques coureurs qui font demi-tour pour abandonner. Le Taillefer et la nuit ont laissé des traces.

Je fais une bonne montée, je suis seul dans le noir mais la fin me paraît longue. J’arrive enfin sur le plateau de l’Arselle. Le soleil commence à se lever, il fait frais, on est bien ! 🌞

Je prends quelques minutes au ravitaillement. J’ai hâte de profiter de la suite du parcours qui est pour moi la plus belle partie de l’UT4M. 🤩

Lac Achard, Lacs Roberts, Refuge de la Pra pour terminer par la rude montée au col de Freydane à 2663 m d’altitude ! Le menu est copieux !
J’ai envie de profiter de ce somptueux passage.

Je me sens dans mon élément et je ne vois pas le temps passer pour rejoindre la croix de Chamrousse. On discute un peu avec Ronan, un autre coureur avec qui je partagerai un bon bout de chemin en Chartreuse.

Je fais une bonne « recharge » à la croix de Chamrousse car le prochain ravitaillement solide va être loin. On avance pas trop même dans les descentes. Mais que la route est belle pour se rendre à la Pra.

Il commence à y avoir des écarts entre les coureurs. J’arrive seul au refuge de la Pra un peu avant 10h. Je commence à sentir les effets de l’altitude et le retour des gênes à l’estomac. Je m’envoie quelques patates, ça passe toujours bien.

Je repars et décide d’y aller très tranquille. Je suis sur les traces de l’Echappée Belle, cela rappelle des bons souvenirs… et des moments de souffrance.

Une fois au niveau du lac du Grand Doménon, j’aperçois le col de Freydane avec quelques névés. Il me paraît si loin !

Finalement j’arrive au col un peu avant 11h, en y allant doucement mais sûrement c’est passé ! 🙌

Il reste certes encore pas mal de chemin à parcourir. Mais je sais que si j’arrive dans un état correct à Saint-Nazaire les Eymes je suis quasiment sûr d’aller au bout.

Le début de la descente est très technique et conforme à mes souvenirs de l’Echappée Belle. C’est raide, ça glisse, il y a des cailloux, ça n’avance pas !

Le décor est toujours aussi beau, le lac blanc n’est pas loin.

La suite de la descente n’est pas de tout repos et je commence à perdre en concentration. Je cogne le genou droit puis le genou gauche sur des rochers, aïe.

Les premiers coureurs du Challenge, du 100 km master et du 40 Belledonne me doublent à vitesse supersonique. Je croise de nombreux randonneurs, il faut rester attentif pour se frayer un chemin.

Le risque de tout gâcher en me blessant existe alors je fais une pause pour manger…des patates. 🥔

Dès que je vois un dossard rouge (celui du format Xtrem), je repars avec lui pour trouver le temps moins long. On nous annonce encore 3 km avant le prochain ravitaillement ça n’en finit plus !

Il est un peu plus de 13h et j’arrive enfin au ravitaillement de Pré Long ! Il y a une ambiance de feu.

Je suis impatient de retrouver mes proches un peu plus bas dans la vallée ! J’attaque la descente pied au plancher.

J’aperçois rapidement mes parents un peu plus haut que Montbonnot, à un point d’eau, ils sont venus à ma rencontre.

Il reste encore un peu de chemin avec des longs passages de relance sur du bitume. Je relance et je mets du rythme pour que ça passe vite.

ça y est, je vois mes petits gars courir à ma rencontre et je retrouve ma femme ! Après une courte pause rafraîchissante, il est temps de débrancher le cerveau.

Il va falloir affronter environ 7 Km de plat pour terminer ce troisième massif. Il fait chaud, je m’arrose régulièrement. Des voitures klaxonnent, les gens m’encouragent, ça fait du bien cette ambiance.

Je parviens à courir sur cette longue phase de plat puis je marche dans les 500 derniers mètres. ça y est nous sommes arrivés à Saint Nazaire.
Il est environ 15h30 et j’ai dépassé les 30h de course.

La troisième étape est vaincue !

Mais pas question de foncer tête baissée vers l’ultime massif : la Chartreuse. Je suis bien mais forcément un peu émoussé.

Les pieds commencent à me faire souffrir. Je n’ai pas spécialement d’ampoules mais des échauffements.

Ma mère s’occupe de me rafraîchir les pieds. Mon père et ma femme m’aident à me ravitailler.
Il est déjà 16h, je n’ai pas vu le temps passé.

Allez, c’est parti pour la Chartreuse !

La Chartreuse pour terminer

Le plus dur est fait mais il reste quand même un bon bout de chemin (41 km et 2800 d+). Pas question de crier victoire trop tôt, il faut rester dans la course.

La montée à l’Emeindras (1200 d+) est longue quoique assez régulière. De nombreux coureurs du format 100 km me rattrapent et m’encouragent. J’ai un rythme correct mais je commence à faiblir.

Je fais une pause. Ronan et Jonathan, autres coureurs de l’Xtrem, me rattrapent et nous faisons route ensemble jusqu’au ravitaillement.
Je profite de la pause pour m’allonger 10 minutes car j’ai quelques somnolences.

Il est temps d’aller se frotter à la montée à Chamechaude, une des dernières grosses difficultés de cet UT4M. Une ampoule se forme sous mes pas, je m’arrête mettre un pansement, ça va un peu mieux.

J’ai un regain de forme, la montée à Chamechaude n’est qu’une formalité ! Pour la première fois, je pense à la ligne d’arrivée. Il ne reste plus qu’à rester concentré dans les descentes et c’est gagné !

C’est d’ailleurs prudemment que j’effectue la descente jusqu’au Col de Porte où je retrouve mes parents.

Il est plus de 21h. La luminosité commence à baisser, il va falloir rallumer les frontales.

La portion ralliant de la Sappey-en-Chartreuse est assez monotone. Heureusement, nous sommes toujours à plusieurs et nous rigolons à partager nos sensations à chaque appui (nous n’avons rien à envier aux fakirs).

Il fait désormais nuit noir quand nous arrivons au Sappey-en-Chartreuse, l’avant-dernier ravitaillement ! Il règne une ambiance de fête et pour cause : à minuit il y a le départ de l’UT4M 20 Chartreuse.

Mes parents sont toujours fidèles au poste et leur mission d’assistance est terminée : je leur donne rendez-vous sur la ligne d’arrivée !

La montée au fort du Saint Eynard se passe sans encombre, la vue sur Grenoble est magnifique ! Nous sommes désormais un groupe de 4.

Je donne le tempo pour la descente sur le col de Vence, siège du dernier ravitaillement, qui me paraît interminable. Entre les cuisses qui brûlent, l’envie de dormir et les pieds qui brûlent, c’est un pur régal :))

En revanche, je n’ai plus trop de problème d’estomac c’est déjà ça !

Je finis par y arriver, toujours en compagnie de mes autres acolytes de l’Xtrem, vers 0h40. Notre début de léthargie contraste avec la vitesse supersonique des premiers coureurs du 20 km qui nous rattrapent.

Mais beaucoup prennent le temps de nous encourager, admiratifs de nos efforts (l’espace de quelques instants, j’ai eu l’impression d’être un être supérieur avec ce dossard rouge).

Nous faisons la dernière courte montée en marchant puis c’est parti pour la dernière descente sur Grenoble ! J’augmente légèrement le rythme par envie d’en finir et lassé par le fait de me faire doubler par les coureurs du 20 km.

Puis je lâche totalement les chevaux (et mon petit groupe, désolé 🙏) et décide de faire la descente à bloc !

Il y a de moins en moins de monde qui me double. J’avale la descente de la Bastille que je connais bien. Il ne reste plus qu’un gros kilomètre de plat, il faut courir en gardant le rythme ça ira plus vite !

ça y est j’aperçois la place Victor Hugo !

Avec l’arrivée des coureurs du 20 km, il y a une sacrée ambiance je m’attendais à une arrivée dans l’anonymat mais ce n’est pas le cas ! Je savoure les derniers mètres et les ultimes encouragements.

Il est 2h22 en ce dimanche 23 juillet.

4 ans après l’Echappée Belle, j’ai réussi mon retour sur un ultra trail.

J’ai vaincu l’UT4M Xtrem.

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